Le conte du petit koala qui croyait que l’amour c’était recevoir des coups

Le conte du petit koala qui croyait que l’amour c’était recevoir des coups


koala

Il était une fois un petit koala

Il vivait dans une région très, très reculée de l’Australie. En fait, il faut vous le dire, il vivait dans une maison d’enfants koala, car ses parents ne pouvaient s’occuper de lui.

Toute sa vie, il avait reçu des coups. Tout bébé, tout enfant, il recevait, de la part des autres koalas qui l’entouraient, des coups. Lui, il croyait qu’être aimé, c’était recevoir des coups ! Cela peut vous surprendre mais c’était sa croyance.

Il avait une façon très particulière de provoquer les autres. En effet, il s’arrangeait pour déclencher en eux de la peur, de l’irritation, de la colère.

Il était très habile pour donner aux autres l’envie … de le taper !

Il y avait dans cette maison d’enfants une jeune éducatrice koala, qui s’occupait de lui, qui le réveillait le matin, l’aidait à faire sa toilette, à s’habiller, le faisait déjeuner…tout ce fait en général une maman ou un papa qui s’occuperait de son enfant. Eh bien lui, dès le matin, à peine avait-il ouvert un œil qu’il s’arrangeait pour déclencher chez cette éducatrice koala… l’envie de le taper, de le secouer et même de lui tordre le coup.

La bagarre commençait aussitôt, lui aussi rendait les coups, mordait même, griffait. Tout au fond de lui, il croyait que c’était cela s’aimer. Tout petit, un événement dont il n’avait jamais parlé…l’avait beaucoup marqué. Il était entré dans la chambre de ses parents (avant qu’il n’aille en maison d’enfants) et dans l’ombre il avait vu le papa koala qui s’agitait sur la maman koala, le lit remuait très fort, la maman koala gémissait comme si elle avait mal. Le petit koala, lui ne bougeait pas pour ne pas faire de bruit. Il aurait voulu aller défendre sa maman, mais il n’osait pas. Il croyait que le papa koala faisait du mal à sa maman, il aurait voulu l’aider, mais il n’osa pas……

Le lendemain matin, il avait demandé :

Qu’est ce qu’ils font les papas dans le lit avec les mamans ?
La mère un peu distraite avait répondu : Tu sais, ils dorment ou ils s’aiment. Des fois ils s’aiment beaucoup…

Ils se font du mal pour s’aimer ? interrogea le petit koala. Quand on s’aime on a pas mal, avait ajouté la mère en souriant —mange ton yaourt, dépêche-toi.

Et depuis ce jour, malgré ou à cause de ce qu’avait dit sa mère, le petit koala était persuadé que s’aimer, c’était se faire du mal. Et pour cela se donner des coups…

Revenons à la maison d’enfants koala.

La jeune éducatrice qui s’occupait de lui avait dit à une amie :
—C’est drôle, j’ai beaucoup d’amour pour lui, mais j’ai peur de le lui donner. J’ai surtout peur qu’il le reçoive mal ou qu’il le refuse.
Un jour elle eut une idée, elle demanda au jeune koala de lui trouver une boite à peur. Il la regarda tout étonné. Une boite à peur !
Oui, une boite à peurs, dans laquelle je pourrai mettre toutes les peurs que j’ai en moi, pour ne pas les garder dans ma tête, dans mon ventre, dans mon cœur.

Le lendemain, le petit koala arriva avec un grand carton de frigidaire, qu’il était allé demander au supermarché du coin. Il avait compris que les peurs de son éducatrice étaient très importantes. Elles fut très touchée de ce geste.

Elle lui dit :

J’aimerais t’embrasser sans que tu me donnes des coups. Il acquiesça de la tête.

Elle lui fit, juste au coin de l’œil, là vous voyez, tout près des cils, un long baiser tout doux, tout doux. Tellement doux que le petit koala qui n’avait jamais reçu de baiser aussi doux, sentit une larme couler sur ses joues de koala. Heureusement personne ne l’avait vue, car autrement il se serait mis en colère et aurait donné des coups malgré sa promesse.

Ce jour là, cette éducatrice mit dans le carton à peurs la plus grande des peurs qu’elle avait, celle que son amour ne soit pas reçu par l’autre. C’était une peur énorme qui prenait toute la place dans le carton.

De temps en temps, elle allait jeter un coup d’œil sur sa peur, dans le carton. Elle voyait bien que c’était une peur très ancienne, vieille comme sa vie.

De son côté, le petit koala avait aussi découvert une boite à peurs pour lui-même. Il commença à mettre ses peurs dedans. Il se sentait plus léger, plus content. Comment dire, il avait envie de donner des baisers, des câlins, même s’il ne savait pas comment cela se faisait.

Un jour, il osa demander à la jeune éducatrice :

Tu sais, j’aimerais que tu m’apprennes à ne pas aimer…

Elle le regarda toute surprise : A ne pas aimer !
Oui, tu sais, quand on aime trop fort, on se donne des coups, on crie. Moi j’aimerais que tu m’apprennes à ne pas aimer, à ne pas donner des coups, à faire des baisers de peur, comme celui que tu m’as fait l’autre fois, au coin de l’œil…

Vous n’avez aucune idée de l’énergie qu’il avait fallu à ce petit koala pour dire cela. Cela vous paraît simple à vous, quand vous lisez ce conte, mais ce fut terrible, c’était comme si on lui arrachait la peau, à ce koala. L’éducatrice comprit ce jour-là tout le malentendu qu’il y avait dans la vie de ce petit koala.

Elle lui répondit doucement :

Oui, je suis d’accord. Je vais t’apprendre. On va apprendre ensemble, d’ailleurs, car je suis un peu comme toi, je ne sais pas bien aimer. L’autre fois, tu vois, j’avais inventé. Oui, nous allons découvrir tout cela ensemble. Il nous faudra, à toi et à moi, beaucoup de patience…

Je ne vous raconte pas la suite, car vous pouvez l’imaginer vous-même.

Mais ne croyez pas que cela fut facile. Oh non, ils eurent encore beaucoup de bagarres entre eux, car ils étaient l’un comme l’autre encore très maladroits à s’aimer.

J’ai remarqué que cela était très fréquent, cette maladresse à s’aimer chez les koalas, entre parents et enfants, entre adultes aussi. A mon avis ce doit être une des caractéristiques de l’amour chez les koalas !

Ainsi se termine le conte du petit koala qui croyait que s’aimer, c’était se donner des coups et se faire du mal.

Jacques Salomé

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